samedi 27 septembre 2014

Traduction S4 (12) – Exemple 1

Pour cet exemple, j’ai choisi de partir d’une traduction existante imparfaite —pour ne pas dire mauvaise —, trouvée sur Wikipédia et que j’ai déjà utilisée pour mon billet sur les traducteurs automatiques en ligne, afin de vous montrer comment la réviser/corriger.


Original anglais
Original Wikipédia
Version Wikipédia révisée
One thing though: This story is a great demonstration of my maxim that any headline which ends in a question mark can be answered by the word “no”. The reason why journalists use that style of headline is that they know the story is probably bullshit, and don’t actually have the sources and facts to back it up, but still want to run it.

(64 mots)
Voici une grande démonstration de ma maxime, comme quoi tout titre d'article qui finit par un point d'interrogation peut être répondu par le mot "non". Si des journalistes utilisent ce genre de titres, c'est parce qu'ils savent que leur sujet ne vaut pas tripette, et qu'ils n'ont en fait pas les sources et les faits pour l'étayer, en s'y accrochant malgré tout.

(62 mots)
Ce sujet est une superbe démonstration de ma maxime qui veut que, pour tout article dont le titre se termine par un point d’interrogation, on puisse répondre par la négative à la question ainsi posée. Si les journalistes emploient ce genre de titres interrogatifs, c’est qu’ils savent que leur sujet n’est sans doute que de la foutaise et qu’ils ne disposent en réalité ni des sources, ni des faits pour l’étayer, mais qu’ils n’en veulent pas moins le publier.

(79 mots)

Code couleurs
  • Surlignage en jaune dans l’original anglais : les difficultés inhérentes à ce passage.
  • En rouge dans la traduction originale Wikipédia : ce qu’il faut absolument modifier.
  • En orange dans la traduction originale Wikipédia : ce qu’on peut améliorer.
  • En vert dans la traduction révisée : les points essentiels sur lesquels a porté le travail de révision.
Commentaires
  1. Le fait que la traduction originelle soit très sensiblement de même longueur que l’anglais (62 et 64 mots respectivement) est déjà suspect.
  2. Traduire l’adjectif great par « grand(e) » ne permet pas d’obtenir la bonne connotation. Dans un autre contexte, on aurait pu le rendre par « célèbre », mais il paraîtrait prétentieux que Ian Betteridge qualifie lui-même ainsi sa propre démonstration.
  3. L’expression « comme quoi » appartient au langage parlé. A la place de « qui veut que », on aurait aussi pu employer « en vertu de laquelle ».
  4. Le passif « tout titre d’article […] peut être répondu par non » rend la phrase absolument incorrecte, ne serait-ce que parce qu’on ne répond pas « un article » (COD), mais « à un article » (COI).
  5. Si l’anglais dit volontiers « to answer no » ou « to answer yes », en bon français on dit « répondre par la négative » et « par l’affirmative » respectivement.
  6. Par ailleurs, il semble indispensable en français de préciser « à la question ainsi posée ».
  7. Les verbes utiliser et avoir sont plats. Mieux vaut utiliser des verbes plus recherchés, par exemple employer et disposer de respectivement.
  8. Les journalistes « savent que leur sujet ne vaut pas tripette ». L’adverbe probably dans l’anglais n’a pas été rendu. De plus, l’expression « ne pas valoir tripette », même si elle appartient à un langage plus formel que bullshit (« connerie »), assez vulgaire, reste non seulement en deçà du niveau de langue à atteindre en français, mais n’est qu’une traduction approximative. Le mot foutaise, d’une vulgarité en fait très littéraire, convient beaucoup mieux.
  9. L’expression « en s’y accrochant » n’est pas du tout synonyme de « [they] want to run it » et ne traduit que want.
  10. La révision « ils n’en veulent pas moins le publier » pour « [they] still want to run it » colle parfaitement à l’anglais, mais « ils ne s’en entêtent pas moins » aurait sans doute été meilleur.
  11. Vous noterez l’ajout des charnières ainsi et ne … pas moins.

« Le français, je le parle très mieux que vous...
et je vous merde ! » (Coluche)
Conclusion
Vous avez vu le travail à réaliser sur la traduction d'un texte d’à peine de 64 mots anglais — par quelqu’un qui a eu l’aplomb de la publier sur une encyclopédie (participative certes, mais quand même).
J’ai ainsi compté pas moins de sept corrections. Sachant 1) que le texte que vous aurez à traduire comptera, selon la durée de l’épreuve et la gentillesse de celui ou celle qui en fournit le sujet, de 150 à 300 mots et 2) que le décompte des mots sera donc en français de 165 à 375 en vertu du principe de foisonnement, petit exercice de calcul de dose : combien de passages de votre traduction votre correcteur aura-t-il potentiellement l’occasion de souligner d’un trait ondulé rouge ou de barrer rageusement ?
Tout ça pour redire une fois de plus que la traduction est un exercice difficile, qui n’est pas à prendre à la légère, qui exige un grand sens (auto-)critique et auquel il faut s’exercer.

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